Qu’est-ce que la race ? (Albert Memmi)

Définition d’Albert Memmi dans l’Universalis

« Le racisme est la valorisation, généralisée et définitive, de différences biologiques, réelles ou imaginaires, au profit de l’accusateur et au détriment de sa victime, afin de justifier une agression. Le texte suivant commente et justifie cette définition. (…)

Le mot « race » est d’emploi relativement récent dans la langue française. Il date du XVe siècle et vient du latin ratio, qui signifie, entre autres, « ordre chronologique » ; ce sens logique persiste dans l’acception biologique qui s’impose par la suite : la prétendue race est alors comprise comme un ensemble de traits biologiques et psychologiques qui relient ascendants et descendants dans une même lignée. Terme d’élevage, il est d’ailleurs appliqué à l’homme seulement à partir du XVIIe siècle »… pour ne devenir une doctrine affirmée qu’à partir du XIXe siècle.

Parler de « racisme » pour les périodes antérieures pourrait donc sembler anachronique. Néanmoins, le rejet, la domination et l’agression de l’autre, de l’étranger, du différent justement parce qu’il est différent (différence « réelle ou imaginaire », pour reprendre la définition d’Albert Memmi) sont des comportements anciens, qui remontent bien avant l’existence même du mot « racisme » dont pourtant ils relèvent déjà.

 

Racisme masculin

  1. Conviction qu’on peut catégoriser les êtres humains en une série de races en se basant sur des critères physiques mesurables, surtout quand cela s’accompagne d’une hiérarchisation, consciente ou inconsciente, entre ces prétendues races.

Le racisme est une théorie biologiquement sans fondement au stade où est parvenue l’espèce humaine, mais dont on comprend la généralisation par la nécessité, à tous les niveaux d’organisation, de la défense des structures périmées.  (Henri Laborit, Éloge de la fuite, 1976)

  1. (Spécialement) Doctrine politique préconisant la domination d’une race (dite pure et/ou supérieure) sur les autres (dites impures et/ou inférieures).
  2. « Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (…) Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. »

Jules Ferry et Georges Clemenceau, débat des 28-31 juillet 1885, entre Jules Ferry, Camille Pelletan et Georges Clemenceau.

  1. Attitude de mépris ou d’hostilité, pouvant aller jusqu’à la violence, envers des individus en raison de leur prétendue race, de leur ethnie.

Des études montrent que, dès l’âge de 3 ans, l’enfant s’est déjà forgé des attitudes très négatives par rapport aux membres des exogroupes. Pour beaucoup, l’enfant apprend ce type d’attitude passivement, en modelant ses croyances en fonction des adultes importants (en général, les parents) qui vivent autour de lui. Comme le dit le dicton, la pomme tombe sous l’arbre. Cependant, je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Les recherches que nous avons menées ne montrent pas vraiment que les enfants sont des apprenants malléables, ni que les parents jouent un rôle critique dans le façonnement des attitudes des enfants. Les enfants ne sont pas forcément de la pâte à modeler pour les parents. Peut-être que l’esprit de l’enfant est plus indépendant qu’on ne le croit.

Encore une fois, tout cela a du sens si nous considérons la race comme une émanation d’une adaptation évoluée par rapport à la vie en groupe. Les groupes sociaux font partie du paysage de nos sociétés, et pour en apprendre plus sur ces groupes, il faut toujours prendre en compte le paysage global. L’enfant apprend la race en observant l’ensemble de sa communauté, pas seulement les croyances de ses parents. »