Paul Broca (1842-1882) : emblème de la raciologie « républicaine »

Médecin à la carrière brillante, Paul Broca est l’emblème de la raciologie républicaine des débuts de la Troisième République. Il est le fondateur des institutions dédiées à l’anthropologie dont le rayonnement fut important tant en France qu’à l’étranger.

Une carrière scientifique, des convictions républicaines

Paul Broca est issu d’une famille protestante et républicaine de Sainte-Foy-la-Grande. Pendant ses études de médecine, il manifeste de forts sentiments républicains suivis plus tard d’une vive hostilité à la dynastie des Bonaparte, sans pour autant s’engager en politique. C’est à la science qu’il consacre entièrement sa carrière professionnelle. Membre de plusieurs sociétés savantes (société de chirurgie, société d’anatomie, Association pour l’avancement des sciences), il entre à l’Académie de médecine en 1866.

Une impulsion décisive pour l’anthropologie

En 1859, il fonde la Société d’Anthropologie de Paris (SAP). En 1868, il crée le musée et le Laboratoire d’anthropologie. En 1872, il fonde la Revue d’anthropologie.

En 1876, l’École d’anthropologie de Paris est fondée grâce au concours de la faculté de Médecine, qui accorde un local, du conseil municipal, du conseil général de la Seine et du ministère de l’Instruction publique. Forte de nombreux soutiens politiques que Broca mobilise, l’École est reconnue d’utilité publique en 1889.

Le soutien des thèses transformiste et polygéniste

Alors que les débats, avivés par la publication en 1859 de L’Origine des espèces de Charles Darwin, s’engagent au sein de la Société d’anthropologie de Paris, Broca y défend les thèses transformiste et polygéniste. Il participe également activement aux études sur les races humaines. Annonçant que la craniologie est en mesure de fournir des données précieuses sur la valeur intellectuelle des races humaines, il procède, en améliorant la technique, à de nombreux cubages crâniens, qui deviennent des mesures de référence très largement utilisées dans les manuels d’anthropométrie.

Pessimisme sur la capacité des peuples primitifs à évoluer

Considérant que les aptitudes intellectuelles sont héréditaires et spécifiques à chaque prétendue race, il n’exclut pas pour autant l’option lamarckienne de transmission des caractères acquis mais constate que la perfectibilité est très inégalement répartie parmi les prétendues races humaines et demeure très pessimiste sur la capacité des peuples primitifs à acquérir la civilisation.

Extrait de l’Histoire des travaux de la société d’anthropologie

PAUL BROCA (1824-1880) : EMBLÈME DE LA RACIOLOGIE «RÉPUBLICAINE »

« En moyenne, la masse de l’encéphale est plus considérable chez l’adulte que chez le vieillard, chez l’homme que chez la femme, chez les hommes éminents que chez les hommes médiocres, et chez les races supérieures que chez les races inférieures. Toutes choses égales d’ailleurs, il y a un rapport remarquable entre le développement de l’intelligence et le volume du cerveau. Ainsi, l’obliquité et la saillie de la face, constituant ce qu’on appelle le prognathisme, la couleur plus ou moins noire de la peau, l’état laineux de la chevelure et l’infériorité intellectuelle et sociale sont fréquemment associés, tandis qu’une peau plus ou moins blanche, une chevelure lisse, un visage orthognathe [droit] sont l’apanage le plus ordinaire des peuples les plus élevés dans la série humaine. Jamais un peuple à la peau noire, aux cheveux laineux et au visage prognathe, n’a pu s’élever spontanément jusqu’à la civilisation. »

Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, 1876

« La distinction des races une fois admise, un champ immense s’ouvrit tout à coup aux investigations des savants. Il ne s’agissait plus seulement de compléter ou de rectifier la classification et les descriptions de Blumenbach, mais de chercher l’origine des variétés permanentes, des types héréditaires, des caractères si divers et en même temps si gradués qui constituent les races. […] Il fallait ensuite déterminer les filiations des peuples, retrouver les traces de leurs migrations et de leurs mélanges, interroger leurs monuments, leurs histoires, leurs traditions, leurs religions, et les suivre même au-delà de la période historique pour remonter jusqu’à leurs berceaux. Autant de questions entièrement neuves, autant de problèmes, qui jusqu’alors n’avaient pas même été posés dans la science ; et ces investigations multipliées, illimitées, qui exigeaient le concours simultané de la zoologie, de l’anatomie, de la physiologie, de l’hygiène, de l’ethnologie, de l’histoire, de l’archéologie, de la linguistique, de la paléontologie, devaient converger vers un même but pour constituer enfin la science de l’homme ou l’Anthropologie. »

Histoire des travaux de la société d’anthropologie (4 juin 1863), Archives générales de médecine, Paul Broca, 1863, t. 2, p. 65