Accueil » De la classification arbitraire… » Autour des scientifiques, l’élite intellectuelle mobilisée » Friedrich Tiedmann – une voix contre l’inégalité anatomique des races
Quelques voix discordantes refusèrent de conclure à l’inégalité anatomique des races. En 1836, l’Allemand Friedrich Tiedemann (1781-1861), professeur à l’Université de Heidlberg et directeur de l’Institut d’anatomie, présenta les résultats de ses recherches sur « le cerveau du « Nègre » comparé à celui de l’Européen et de l’Orang-Outang » dans une communication envoyée à la Royal Society. Tiedemann réfutait les thèses des naturalistes (Camper, Sömmering, Cuvier, White, Virey, Laurence, etc.) qui présentaient le « Nègre » comme un échelon intermédiaire entre l’anthropoïde et l’homme blanc. Selon lui, la structure du cerveau du « Nègre » et de l’Européen était identique. Aucune différence majeure dans l’organisation du cerveau n’était décelable.
En revanche, les différences entre le cerveau du « Nègre » et celui des grands singes étaient frappantes. Il reprochait à Buffon et à Tyson d’avoir défendu des similitudes alors que le cerveau de l’Orang-Outang s’avérait plus petit, plus léger, plus court, plus étroit et les circonvolutions moins nombreuses. Tiedemann pouvait alors conclure : « Le principal résultat de mes recherches sur le cerveau des « Nègres » est que, ni d’un point de vue anatomique, ni d’un point de vue physiologique, il n’est possible de justifier le fait que nous les plaçons en dessous des Européens sous le rapport des facultés morales et intellectuelles.
Comment est-il alors possible de nier que la race éthiopienne soit capable de civilisation ? Cela est juste aussi faux qu’il l’aurait été, au temps de César, de considérer les Germains, les Bretons, les Helvètes et les Bataves comme incapables de civilisation ». Alors que l’esclavage était souvent présenté comme le signe de l’infériorité naturelle du Noir, Tiedemann le percevait comme la cause du retard des Africains dans le processus de civilisation. Les conclusions de Tiedmann furent pourtant contestées par les anthropologues de la génération suivante.
Paul Broca reconnut le sérieux de son travail mais lui reprocha ses insuffisances en mathématiques, notamment dans le calcul des moyennes, ce qui rendait, à ses yeux, ses conclusions égalitaires caduques. (Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, 1873, p. 73.)
Bibiographie : Franck Tinland, L’Homme sauvage, Paris, Payot, 1968, p. 145-147.