La société d’anthropologie de Paris ou l’anthropologie physique institutionnalisée

C’est dans les années 1860-1870, sous l’impulsion de Paul Broca, que l’anthropologie physique acquiert une véritable autonomie disciplinaire et s’institutionnalise grâce à la création d’une société savante, la Société d’anthropologie de Paris, d’une école, l’École d’anthropologie de Paris et de plusieurs revues.

Broca donne d’ambitieuses missions à la nouvelle science de l’homme. L’anthropologie qualifiée de « zoologique » a pour objectif d’étudier les rapports entre le genre humain et le règne animal, d’étudier les caractères communs à l’homme et aux animaux les plus rapprochés de lui mais aussi de marquer la « distance qui existe entre les termes les plus élevés de la série des singes et les termes les plus inférieurs de la série des hommes ». L’étude des prétendues races humaines, qualifiée d’ « anthropologie descriptive » ou d’« ethnologie » apparaît comme la seconde mission de l’anthropologie. Enfin, la troisième branche, « l’anthropologie générale » embrasse des sujets très divers : elle intègre ainsi la recherche des origines de l’homme et de la formation des prétendues races humaines, les études sur la capacité d’acclimatation, la perfectibilité, les différentes aptitudes « intellectuelles, morales et sociales », etc. (Broca, 1989, p.5-41).

La raciologie de Broca se rattache à la tradition républicaine. Contre ceux qui entendent laisser la sélection naturelle agir, il réaffirme que la société doit protection à ses membres et notamment aux plus faibles d’entre eux, et défend le droit à l’éducation. Refusant le constat de dégénérescence de la société française, il entreprend de démontrer scientifiquement que la population française n’est ni affaiblie, ni décadente et il refuse d’affirmer la supériorité des dolichocéphales blonds sur les brachycéphales bruns tout comme de souscrire à l’antisémitisme. Il se démarque ainsi de la dimension antidémocratique et antimoderniste de la pensée d’un Lapouge ou d’un Gobineau. (1)

Pour Broca et ses disciples, hommes de sciences aux convictions républicaines progressistes bien affirmées, démarche classificatoire et pensée inégalitaire vont de pair.

Broca entend doter l’anthropométrie de méthodes de mensuration rigoureuses et normalisées grâce à des instruments perfectionnés, utiliser les procédés mathématiques et statistiques afin de faire entrer l’anthropologie dans sa phase scientifique. Afin de permettre aux non-scientifiques de participer à la grande entreprise de classification, Broca rédige des Instructions générales, qui présentent, en près de trois cents pages, les méthodes anthropométriques : les caractères à étudier, les modes d’utilisation des appareils de mensuration, les erreurs à éviter. Au sein de cette anthropométrie scientifique, l’étude du crâne tient une place de choix et l’œuvre de Broca constitue une référence pour plusieurs générations d’anthropologues français et étrangers.

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« Joseph Arthur de Gobineau, dit le comte de Gobineau, né le 14 juillet 1816 à Ville-d’Avray et mort le 13 octobre 1882 à Turin, est un diplomate  et écrivain français. Il doit sa notoriété posthume à son Essai sur l’inégalité des races humaines (1853-1855), qui le range parmi les pères de la pensée racialiste. » Source : Wikipedia