Accueil » De la classification arbitraire… » Autour des scientifiques, l’élite intellectuelle mobilisée » Georges Hardy (1884-1972) : psychologie ethnique et discrimination éducative
Fils d’un instituteur, normalien, agrégé d’histoire et géographie, diplômé de l’École Pratique des Hautes Études, il consacre ses thèses de doctorat de lettres à la mise en valeur du Sénégal de 1817 à 1854 et à l’enseignement au Sénégal 1817-1854. En 1919, Lyautey le nomme Directeur général de l’instruction publique au Maroc. En 1926, il prend la direction de l’école coloniale, il enseigne également à l’école des sciences politiques, avant de devenir recteur d’Alger (1932-1937 et 1940-1943).
Auteur de nombreux ouvrages de référence sur la colonisation, Hardy est le grand promoteur des études de psychologie ethnique appliquée aux colonies, études qu’il juge indispensables à la mise en œuvre d’une politique coloniale adaptée à la mentalité des différentes « races indigènes ».
Sa pensée est profondément différencialiste : parce que les prétendues races ont subi l’influence de milieux et d’événements historiques forts différents, il croit en l’existence de différences profondes qui créent, entre les prétendues races indigènes et les races européennes, un « abîme de mystère, un abîme d’incompréhension » (Hardy, 1929, p.194).
Chargé de la mise en place du système scolaire en A.O.F, Hardy met en œuvre une politique discriminatoire qui limite les ambitions de la « mission civilisatrice ».
L’école de village, dont la fréquentation est limitée à deux ou trois ans, entend dispenser, rapidement, aux enfants, quelques rudiments de français, de calcul et des leçons de choses à visée très pratique. Les écoles régionales accueillent ensuite une élite issue des écoles de village afin de former les auxiliaires subalternes de la colonisation.
Selon G. Hardy, l’accès à l’enseignement secondaire, risquant d’entraîner les jeunes indigènes dans une voie sans issue, doit rester une faveur tout à fait exceptionnelle. Il faut se garder selon lui d’exagérer la puissance de l’enseignement, de négliger les forces déposées par des siècles au fond de l’âme indigène, de sous-estimer les résistances que le sang des races est capable d’offrir aux meilleurs tentatives d’éducation.
Devenu directeur de l’École coloniale, il confie à Max Bonnafous un cours de psychologie coloniale et demande aux étudiants de consacrer leur mémoire de fin d’études à la psychologie des indigènes à partir des écrits des administrateurs ethnologues et des romanciers coloniaux. De nombreux portraits sont brossés par les étudiants, décrivant les indigènes sous un jour très dépréciatifs.
GEORGES HARDY (1884-1972) : PSYCHOLOGIE ETHNIQUE ET DISCRIMINATION EDUCATIVE
Pour transformer les peuples primitifs de nos colonies, pour les rendre le plus possible dévoués à notre cause et utiles à nos entreprises, nous n’avons à notre disposition qu’un nombre très limité de moyens, et le moyen le plus sûr, c’est de prendre l’indigène dès l’enfance, d’obtenir de lui qu’il nous fréquente assidûment et qu’il subisse nos habitudes intellectuelles et morales pendant plusieurs années de suite ; en un mot, de lui ouvrir des écoles où son esprit se forme à nos intentions.
Georges Hardy, Une conquête morale : l’enseignement en A.O.F., 1917, Editions L’Harmattan, 2005